L'ACCOMPAGNEMENT
EN FIN DE VIE
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Accompagner quelqu'un qui va mourir est une expérience troublante et difficile, d'autant plus quand cette personne nous est chère. Nous ne savons pas trop comment agir devant la souffrance physique et psychologique de l'autre, et, en même temps, nous vivons notre propre douleur face à la séparation prochaine.
Il est toutefois possible de ne pas rendre ces moments plus pénibles qu'ils ne le sont déjà, et c'est pourquoi nous avons pensé vous offrir quelques conseils pour :
- comprendre ce qui se passe dans la tête de quelqu'un qui sait qu'il va mourir;
- agir de manière à aider cette personne dans les dernières étapes de sa vie;
- identifier ce qu'il est «normal» de vivre lorsque quelqu'un qu'on aime s'en va;
- trouver un soutien pour vous-même, dans les périodes difficiles.
- Les étapes du mourir
- Que pouvons-nous faire pour aider quelqu'un qui va mourir ?
- N'oubliez pas de prendre soin de vous-même
- Le deuil
Les étapes du mourir
Élisabeth Kübler-Ross est psychiatre et a travaillé pendant plus de 30 ans auprès des mourants. Elle a observé que les personnes qui apprennent qu'elles sont atteintes d'une maladie incurable semblent réagir à peu près toutes de la même façon. Le Dr. Kübler-Ross remarque aussi que, si nous connaissons les étapes que franchissent les personnes mourantes, nous pouvons mieux les accompagner dans leurs derniers instants de vie.
Des pertes autres que celle de la santé peuvent entraîner les mêmes réactions. C'est pourquoi il importe moins d'identifier où se trouve exactement la personne dans ce cheminement, mais plutôt de comprendre quelles sont les réactions émotives changeantes de quelqu'un qui vit une perte importante.
Il y a cinq grandes étapes par lesquelles peuvent passer les personnes qui apprennent que leur mort approche :
- La dénégation
C'est comme un refus de la situation. La personne ne veut pas croire ce qui lui arrive. Le choc de la «mauvaise nouvelle» est difficile à accepter. Cette étape est importante car elle permet à la personne de se protéger psychologiquement du déséquilibre que pourrait entraîner un tel choc. En niant la possibilité d'une mort prochaine, la personne a l'impression de ne pas perdre complètement le contrôle de sa vie. Suite à la dénégation, il sera plus facile d'apprivoiser graduellement cette nouvelle condition de vie. Cette étape est généralement assez brève.
- La colère
La personne se rend de plus en plus à l'évidence que le diagnostic est vrai. La première réaction se change en révolte. On se dit que «ce n'est pas juste». Parfois, on en veut à ceux qui sont en bonne santé. Il est important que cette colère soit exprimée. Ce n'est pas toujours facile d'être avec une personne qui se révolte, mais si nous nous mettons un peu dans la peau de l'autre, nous comprenons que ce n'est pas contre nous que cette rage se dirige, mais plutôt devant l'autonomie et la santé des autres qui les confrontent plus durement à leur propre condition.
- Le marchandage
La personne se met à faire des promesses. Elle prend de «bonnes résolutions» dans l'espoir de renverser la situation: elle veut acheter sa survie ou la prolongation de son existence avec de bonnes actions. C'est un dernier effort pour fuir sa condition qui devient de plus en plus évidente.
- La dépression
La personne se referme et se replie en elle-même. Elle se prépare à l'arrivée de la mort, souvent avec beaucoup de tristesse. C'est la période des détachements. Il n'est pas rare que la personne refuse les visites. La solitude est douloureuse mais nécessaire. Nous ne pouvons que respecter son désir de s'isoler, en lui rappelant que nous sommes disponibles et en gardant le contact (par téléphone ou par lettre). Si la période d'isolement semble se prolonger de façon marquée, nous pouvons lui exprimer notre désir d'être auprès de cette personne, de lui dire sincèrement ce que nous ressentons en étant éloignés.
- L'acceptation
La mort prochaine est acceptée. La personne sent qu'elle a complété l'essentiel. Elle est calme et peut même aider ceux qu'elle aime à se détacher, à faire leurs adieux. C'est une sorte de «lâcher prise». Elle sent que «son heure» est bientôt arrivée et que c'est bien ainsi. Le plus difficile pour ceux qui restent, c'est de laisser partir ceux qu'on aime. C'est souvent le rôle des proches de donner l'occasion à ceux qui nous quittent de compléter les choses restées en suspens.
Ces étapes ne sont pas toujours vécues dans cet ordre. Certaines personnes ne passent pas par tous ces stades et le rythme peut être différent d'une personne à l'autre. Mais cette description permet de comprendre certains comportements qui peuvent surprendre si on ne s'y attend pas. On doit aussi se rappeler que l'approche de la mort ne change pas nécessairement le tempérament d'une personne. Donc, si cette personne avait une tendance à la colère ou à la dépression, on remarquera davantage ces réactions.
Certaines enquêtes ont été menées pour tenter d'identifier les principales inquiétudes d'une personne atteinte d'une maladie terminale et les défis qu'elle rencontre.
Les inquiétudes :
- être un fardeau pour autrui ;
- se séparer de ses proches ;
- ne pas connaître le sort de ses proches après sa mort ;
- subir une mort douloureuse ;
- avoir le sentiment que la vie n'a plus de valeur ni de sens ;
- être rejeté et abandonné de ses proches (plus marqué chez les personnes vivant avec le VIH/sida).
Les grands défis :
- accepter la réalité de la mort ;
- continuer à prendre ses propres décisions concernant la qualité de sa vie ;
- compléter ce qui reste en suspens (démarches légales, conflits interpersonnels, etc.) ;
- donner un sens satisfaisant à sa nouvelle condition de vie.
Que pouvons-nous faire pour aider quelqu'un qui va mourir?
La famille et les amis peuvent faire beaucoup pour favoriser un «départ» plus paisible. Nous pouvons soutenir, par certaines attitudes et certains comportements, cette dernière étape de la vie.
- Être présent
Sentir que quelqu'un est là, c'est réconfortant. La personne qui va bientôt mourir a besoin de savoir qu'elle a «encore» de la valeur aux yeux de ses proches, qu'elle n'a pas perdu sa signification pour ceux qui continueront à vivre. La solitude peut se ressentir même si on est entouré. Ce n'est pas le nombre de gens autour de soi qui fait qu'on se sent moins seul, mais la qualité de la relation affective qu'on a créée et développée avec quelqu'un. La présence n'exige rien d'autre que d'exprimer à la personne qui meurt qu'elle a de l'importance dans notre vie.
- Écouter
Le mourant a souvent besoin d'un confident. Quand quelqu'un qu'on aime souffre, physiquement ou psychologiquement, on voudrait alléger sa douleur en trouvant des solutions pour lui, et on dépense beaucoup d'énergie pour l'aider à se sentir mieux. Mais on se rend compte souvent que ça ne change rien tant qu'il n'aura pas lui-même choisi ses propres solutions. Écouter veut dire essayer de comprendre ce que l'autre vit, sans chercher ce qu'on ferait à sa place; et souvent, tout simplement accepter les silences sans les craindre.
- Aider à nommer
Le mourant n'arrive pas toujours à identifier ce qu'il vit intérieurement. S'il se sent triste ou fâché, il exprime des impressions vagues sans vraiment en connaître les causes. Certaines questions peuvent l'aider à nommer ce qu'il ressent.
Il vaut mieux éviter les questions comme: «pourquoi ne vas-tu pas prendre une petite marche, il me semble que ça te changerait les idées?». Cette question est, en fait, une suggestion. La personne n'a peut-être pas envie de marcher, ni de se changer les idées. Par contre, une question comme: «qu'est-ce qui te rend triste ces temps-ci?» ou encore: «sais-tu ce qui te fâche, pourquoi tu es en colère?». Ce genre de questions permet à l'autre de nommer de façon plus précise ce qu'il ressent et ainsi mieux comprendre ce qui se passe en lui. Il pourra par la suite choisir plus facilement ce qu'il souhaite changer pour se sentir plus à l'aise.
- Être réaliste
Dans la plupart des cas, la personne mourante sait qu'elle va mourir. Même si elle ne peut pas prédire ni le jour ni l'heure, il ne sert à rien de créer des illusions, de lui dire: «mais non, tu verras, ça va aller mieux». Notre intention est sûrement de calmer les angoisses, mais devant une attitude comme celle-ci, la personne se sent plus incomprise que rassurée. Entretenir des illusions, faire des promesses qui ne dépendent pas de notre propre volonté, n'aide pas la personne à accepter l'inévitable. Elle interprétera ces phrases comme un refus d'entendre sa tristesse ou sa peur devant la mort. Et si on essaie de lui «remonter le moral» sans tenir compte de ce qu'elle vit, on peut passer à côté du réconfort qu'on souhaite apporter.
- Respecter
Toutes les personnes ne réagissent pas de la même façon devant la mort prochaine. Certaines passent par des périodes plus ou moins longues de colère, d'isolement, de dépression, etc. Chaque personne a son propre rythme dans l'acceptation de la mort, et on ne peut pas accélérer ce processus en bousculant les choses. De la même manière qu'on ne peut aider une fleur à pousser qu'en lui procurant de l'eau, de la lumière et des minéraux, et non en tirant sur la tige, on ne peut offrir que présence, écoute et compréhension à quelqu'un qui vit une expérience aussi difficile. On ne peut pas provoquer la croissance, on ne peut que la favoriser. C'est pourquoi le respect du rythme de chacune des étapes par lesquelles passe la personne est fondamental.
- S'exprimer
Une expérience d'accompagnement auprès d'un mourant nous fait vivre tout un éventail d'émotions et de réactions que nous n'avons peut-être jamais connues auparavant. Lorsque quelqu'un qu'on aime va nous quitter pour toujours, il est souvent utile et aidant d'exprimer ce qu'on ressent face à la séparation prochaine. Il vaut mieux cependant ne pas «dramatiser» et rendre les choses plus difficiles pour la personne mourante. Si on lui dit: «je ne pourrai pas supporter que tu ne sois plus là, c'est intolérable de te voir partir comme ça!», on peut facilement imaginer ce qu'on peut provoquer. Par contre, si on exprime ses propres sentiments en disant, par exemple: «tu es important pour moi, tu me manqueras beaucoup quand je ne te verrai plus», l'autre sentira qu'il y a un partage, une ouverture du coeur qui est essentielle pour se permettre de se confier vraiment.
N'oubliez pas de prendre soin de vous-même
Lorsqu'on vit des émotions fortes, on est plus vulnérable à la fatigue. Et lorsqu'on est ému et fatigué, on devient quelquefois maladroit avec les personnes autour de soi. Ce phénomène est tout à fait humain et il ne sert à rien de se sentir coupable si on commet des maladresses dans sa relation avec une personne mourante. Il suffit souvent d'en parler pour remettre les choses en place.
Même si les attitudes décrites plus haut sont utiles dans une relation d'aide, il ne s'agit pas d'un modèle parfait à suivre. Fiez-vous aussi à votre intuition et surtout, ne soyez pas trop exigent face à vous-même. N'oubliez pas que vous vivez, vous aussi, une période troublante. Vous vivez des hauts et des bas sur les plans physique et émotif et pas nécessairement au même rythme que la personne que vous accompagnez.
Le deuil
Le deuil est une perte, une brisure dans le cours de notre vie. Nous avons tous vécu des deuils plus ou moins importants: la perte d'un animal préféré lorsqu'on est enfant, la perte d'un emploi, d'une condition financière aisée, le départ d'un ami à l'étranger, la fin d'une relation amoureuse, le départ d'un enfant à sa première journée d'école ou lorsqu'il se marie, la retraite, etc.Tous ces événements ont créé une sorte de vide en nous, et il a fallu reconstruire une autre réalité dans laquelle nous avons appris de nouvelles façons de vivre.
La mort d'un être cher est l'une des pertes les plus importantes, car nous savons qu'il n'y a aucune possibilité de retour. Notre vie ne sera plus jamais tout à fait comme avant. Un deuil aussi marquant peut entraîner une dépression sérieuse, si nous n'acceptons pas les changements qui nous sont imposés par cet événement douloureux.
Lorsqu'on apprend qu'une personne qu'on aime va bientôt mourir, le deuil est déjà commencé. Psychologiquement, on passe à peu près par les mêmes étapes que la personne mourante: la dénégation, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation, qui se manifestent généralement en trois phases.
- La phase critique
Le choc qui suit l'annonce du décès (à venir ou advenu) est accompagné d'émotions de toutes sortes, souvent désordonnées. On peut même ressen¬tir comme une sorte d'engourdissement qui paralyse: on se sent figé, étourdi face à une sensation de vide soudain. Puis, les émotions s'extériorisent plus librement: on pleure, on se révolte, on crie. Dans ces moments, il est important d'exprimer ses émotions, non seulement par des pleurs et des cris, mais aussi par des mots: dire ce qu'on vit. Il est donc utile de faire appel à des amis et, si nécessaire, à un aidant professionnel.
- La phase cruciale
On vit alors une rupture progressive avec les liens affectifs qui nous unissaient à la personne qui nous quitte. On commence à admettre qu'on doit abandonner tout espoir de retour. Le sentiment de solitude est lourd, on a la gorge serrée, le coeur gros. On peut même ressentir une certaine culpabilité: «si seulement j'avais ... plus tôt, ça ne serait peut-être pas arrivé». Habituellement, les trois premiers mois sont les plus intenses, mais le refus de la mort de l'autre peut prolonger cette phase.
- La phase créatrice
C'est le moment où on commence à se réajuster, à créer de nouveaux modes de vie qui sont adaptés à la nouvelle situation. On se sent plus fort et on canalise son énergie vers des projets personnels qui comblent peu à peu le vide laissé par l'absence de la personne qu'on aime. Les événements douloureux, une fois intégrés, peuvent engendrer des apprentissages importants et même, une réorientation des valeurs. On se sent plus préoccupé des choses essentielles de la vie. C'est à partir de cette phase créatrice qu'on peut aider d'autres personnes qui vivent un deuil.
Afin de traverser le deuil de la manière la plus positive possible, il est important de prendre soin de vous. Reposez-vous, car si vous êtes fatigué, vos émotions seront plus vives et vous serez vite épuisé. Certaines personnes endeuillées se rendent jusqu'au burnout avant de réaliser qu'elles doivent s'occuper d'elles.
Si vous sentez que vous avez besoin de quelqu'un, surtout n'hésitez pas à demander de l'aide. Ne ruminez pas vos idées noires en vous isolant. Le deuil est déjà suffisamment pénible sans qu'il soit nécessaire de l'assombrir davantage. Choisissez quelqu'un auprès de qui vous vous sentirez écouté et compris, quelqu'un qui vous laissera le temps d'exprimer votre chagrin, même si vos idées ne sont pas claires, quelqu'un qui puisse accueillir vos larmes et vos silences, sans porter de jugement.
Il est possible que vos amis ne se sentent pas à l'aise avec ce que vous vivez, ou qu'ils soient maladroits. Ne vous en étonnez pas, beaucoup de personnes ne savent pas comment réagir devant la souffrance des autres et sont portés à éviter d'être en contact prolongé avec ceux qui vivent des événements difficiles. Si cela vous arrive, ne vous repliez pas sur vous-même, allez chercher l'aide dont vous avez besoin auprès d'une personne-ressource qui a développé les habiletés nécessaires à l'accompagnement d'une personne en deuil.
Prenez le temps de réparer la brisure que votre coeur a subie suite à la séparation que vous vivez. Et souvenez-vous que vous pouvez compter sur les intervenants de la Maison d'Hérelle.