Témoignages

Un amour profond et la Maison d’Hérelle : témoignage d’une vie marquée par le VIH/sida

 

Je suis un ancien résidant et présentement locataire au 3738 de la Maison d’Hérelle. Je vis en compagnie de 6 autres personnes âgées de plus de 50 ans et vieillissant avec le VIH/sida. Je me réjouis de communiquer avec vous pour vous raconter le parcours qui m’a permis de retrouver ma paix d’esprit.

J’ai rencontré mon amoureux le 1er novembre 1989. Dès cette première rencontre, il m’a confié qu’il était atteint du sida et j’ai versé des larmes face à ce bel homme, ce très bel homme, sensible, intelligent de cœur et d’esprit. Nous avons maintenu contact, lui de Longueuil, moi de Montréal; rencontres dans les cafés ou chez lui ou chez moi.

Le 15 novembre, ce fut mon 49e anniversaire de naissance ; quelques jours plus tard, nous aménagions ensemble et fin novembre, ce furent les résultats de mon test de dépistage. « Positif » m’a dit le médecin ; la séroconversion remontait à six mois plutôt selon lui. Mon nouveau statut de séropositivité à apprivoiser et sa santé à s’occuper, à se préoccuper. L’entente fut que nos choix relatifs à notre condition nous appartenaient tout en tenant au courant l’autre de ceux-ci.

La santé de Gilles se dégrada rapidement et nous avons déménagé dans un immeuble à logements supervisés. Son état se détériora encore et dans les mois qui suivirent il devint de plus en plus difficile pour nous deux de s’occuper l’un de l’autre. C’est donc en janvier 1991 qu’il rentra à la Maison d’Hérelle où le personnel infirmier et les intervenants lui donnent généreusement les soins et l’attention qui lui sont nécessaires.

Je le vis s’ouvrir, s’épanouir, je le vis être très bien alimenté, je le vis prendre part aux activités et à la vie communautaire. Moi-même dans un état de santé précaire, je suis devenu un proche aidant, épaulé par des personnes compatissantes et qualifiées.

« La vie est une grave, il faut gravir. » – Joë Bousquet

Un mal le rongeait : l’anxiété face à sa situation familiale, face à la mort, instable il devint. Il quitta donc d’Hérelle pour vivre avec moi, puis vivre avec sa sœur et vivre à la campagne, d’abord seul, puis en ma compagnie. En mai 1994, le couperet tombe : un cancer des ganglions. Il fit un retour à la Maison d’Hérelle me laissant seul à Morin-Heights. Refusant les soins qui lui sont proposés, convaincu que le cancer ou le sida aurait sa peau. Malgré cette décision, incroyablement, il s’abandonna à la vie qui venait avec cet affreux présent.

Tous les jours, si je pouvais… je lui rendais visite. Je savais que je pouvais compter sur la complicité de l’équipe d’Hérelle pour m’aider à me préparer à l’inévitable. Paisiblement, petit à petit, la résilience faisait place au mal qui le rongeait. Cette conquête, je l’attribue à l’esprit de la Maison. Je ne fus pas une part négligeable, on me donna toute la place.

« La mort viendra et elle aura tes yeux. » – Cesare Pavese

J’ai adoré cette maison et je l’adore toujours ; il y eut résurrection de mon Gilles à la veille de son départ. Il est mort en paix dans mes bras, le 4 décembre 1995, entouré de sa famille à la Maison d’Hérelle. Il s’est éteint entouré d’amour en toute quiétude. J’en remercie encore aujourd’hui la directrice générale et le travailleur social de la Maison, madame Michèle Blanchard et monsieur Jean-Michel Richard. Ma reconnaissance est grande et vive !

Merci à vous de m’avoir lu, et de vous être rendu jusqu’à la fin de ce récit rédigé humblement. Plus que des mots… c’est ce que vous avez à faire pour soulager les maux du corps, de l’âme, de l’esprit, des émotions que vivent ces personnes attachantes et appelées à gravir.

À l’heure malencontreuse où le VIH/sida est banalisé, les besoins sont encore grands et criants et on en meurt encore, encore, et toujours en rêvant que viendra ce temps bénit ou la maladie sera totalement éradiquée.

Michel Pellerin
Amoureux de la vie, proche aidant et résidant de la Maison d’Hérelle